
Un enfant ne tient pas en place. Il grimpe, saute, court, rampe, tourne, tombe… et recommence. Ce besoin incessant de bouger n’est pas une lubie : c’est un moteur fondamental de son développement global. Si l’on vous a déjà conseillé de le faire asseoir, de le calmer ou de limiter ses déplacements pour “favoriser sa concentration”, il est temps de remettre les pendules à l’heure. Car le mouvement n’est pas une distraction : c’est une base structurante pour l’apprentissage, la santé mentale et le bien-être physique.
Le mouvement est indispensable dès la petite enfance
Dès les premiers mois de vie, chaque geste accompli (lever la tête, attraper un objet, rouler sur le côté) prépare l’enfant à de futurs apprentissages. Ces mouvements ne sont jamais anodins : ils stimulent les connexions neuronales, renforcent les muscles posturaux et développent l’équilibre. Un bébé qui rampe développe une coordination œil-main essentielle pour l’écriture plus tard. Un tout-petit qui grimpe sur un canapé ou court dans le jardin affine son schéma corporel et prend confiance en ses capacités.
De nos jours, le temps consacré à l’activité physique libre tend pourtant à se réduire. Or, bouger permet à l’enfant de mieux s’approprier l’espace, d’explorer ses limites et de développer sa capacité d’adaptation. Et ce processus est indissociable d’un bon développement de l’enfant (tant moteur que cognitif).
Ce que le mouvement apporte au cerveau
Le lien entre motricité et fonctions cognitives est aujourd’hui bien documenté. Le cerveau se construit par l’action. Courir, lancer, tourner ou sauter active des zones cérébrales impliquées dans la mémoire, le langage, la planification, l’attention. En clair, le corps en mouvement nourrit l’intelligence.
Par exemple, un enfant qui joue à la balle apprend à anticiper, à se concentrer, à évaluer des trajectoires. En classe, cela se traduit par une meilleure capacité à suivre une consigne, à rester attentif ou à organiser ses idées. Favoriser les expériences corporelles variées, c’est donc soutenir directement les apprentissages scolaires. Et c’est aussi agir sur la confiance en soi, l’autonomie et la persévérance.
Mieux bouger pour mieux grandir
Entre 2 et 7 ans, l’enfant affine ses gestes, sa coordination, sa posture. C’est le moment de multiplier les occasions de bouger : jeux libres à l’extérieur, parcours moteurs à la maison, sorties au parc, activités sportives adaptées. L’objectif n’est pas de le faire courir partout sans cadre, mais de lui offrir un environnement stimulant, sécurisant et riche en expériences sensorielles.
Le mouvement doit rester libre, non contraint. Un enfant qui grimpe à un arbre apprend à se réguler, à jauger le risque. Intervenir sans cesse pour le protéger peut freiner ce développement naturel. Cela ne signifie pas absence de règles, mais confiance dans ses compétences naissantes.
Comment intégrer le mouvement au quotidien ?
Entre le travail, les trajets, les courses, les écrans, difficile de toujours laisser nos enfants bouger autant qu’ils en ont besoin. Pourtant, quelques astuces simples peuvent transformer le quotidien :
- Installez un coin motricité dans le salon avec des coussins, tunnels, tapis
- Autorisez les sauts sur le lit (sous surveillance) ou les danses endiablées en pyjama
- Privilégiez la marche pour les trajets courts, même s’il faut partir plus tôt
- Organisez des jeux de poursuite, d’équilibre, de mime, de yoga ou d’imitations
- Offrez du matériel simple : balles, cerceaux, corde à sauter, planche d’équilibre…
L’objectif n’est pas de tout révolutionner, mais d’introduire plus de mouvement dans les interstices du quotidien. Cinq minutes entre deux histoires, dix minutes pendant la préparation du dîner, un quart d’heure avant la douche : tout compte. Ces moments brefs font toute la différence dans sa journée.
L’école a-t-elle un rôle à jouer ?
Bien sûr. Malheureusement, dans de nombreuses classes, l’enfant reste assis pendant plusieurs heures d’affilée, parfois dès la maternelle. Pourtant, des enseignants innovants l’ont bien compris : introduire des transitions actives, proposer des jeux moteurs en début de journée, faire bouger les enfants pour réviser les tables de multiplication, c’est possible. Et ces pratiques transforment l’attention et l’implication.
Des pédagogies alternatives (Montessori, Reggio, Waldorf…) intègrent naturellement le mouvement au cœur des apprentissages. Mais même sans changer de système, il est possible d’ajouter des pauses corporelles ou d’aller dehors pour une activité mathématique. Le cerveau d’un enfant apprend mieux en mouvement qu’assis à un bureau. Un corps actif facilite grandement une tête bien disponible.
Et pour les enfants dits “turbulents” ?
Certains enfants bougent plus que d’autres. Leur besoin de mouvement est intense, voire incessant. Ce n’est pas un défaut, ni forcément un signe de trouble. C’est une manière d’être au monde, qui nécessite un environnement adapté. Leur interdire de bouger revient à leur ôter leur principal outil de régulation.
L’idée n’est pas de les “faire rentrer dans le rang”, mais de canaliser ce besoin par des activités adaptées : parcours de motricité, arts du cirque, danse, arts martiaux. Leur proposer des situations où ils pourront exprimer leur énergie tout en développant maîtrise, précision et concentration.
Le mouvement apaise les émotions
On oublie souvent que bouger aide aussi à digérer les émotions. Un enfant frustré, en colère ou stressé n’a pas forcément besoin de mots, mais d’action. Courir après une contrariété, sauter sur un trampoline après un conflit, dessiner au sol avec de gros gestes après une dispute, sont des façons de retrouver l’apaisement. C’est également vrai pour les plus petits. Un bébé qui se balance, qui tape ses jambes ou qui rampe exprime souvent une tension intérieure. Le laisser bouger librement, le porter en écharpe, l’accompagner dans des jeux corporels, ce sont autant de réponses adaptées à ses besoins affectifs.
Bouger… même à l’intérieur
Quand la météo ne coopère pas, il faut rivaliser d’imagination. Voici quelques pistes pour la maison :
- Créez une chasse au trésor active (indice caché en haut, sous une chaise, derrière un coussin)
- Mettez de la musique et lancez une séance de “statue musicale”
- Fabriquez un parcours moteur avec ce que vous avez : chaises, ficelles, boîtes…
- Proposez un concours de yoga rigolo ou des défis d’équilibre sur un coussin
- Faites des jeux de mime d’animaux, de personnages, d’objets en mouvement
L’activité physique ne dépend pas du lieu, mais de la façon dont on utilise l’espace. Même dans un petit appartement, un enfant peut courir, sauter, grimper… dans les règles fixées par les adultes.
Les enfants ont besoin de bouger, mais aussi d’être guidés. Introduire une pause motrice régulière permet de canaliser leur énergie tout en respectant leur rythme. Que ce soit à la maison ou à l’école, quelques minutes de mouvements simples suffisent à relancer l’attention, détendre les tensions et restaurer un climat propice aux apprentissages. Des outils existent pour intégrer cela de façon ludique et structurée.
En résumé
Le mouvement n’est pas un à-côté du développement de l’enfant. Il en est le socle. C’est en bougeant que l’enfant découvre qui il est, comment il fonctionne et comment interagir avec le monde. Ses muscles se renforcent, son équilibre se précise, ses émotions s’expriment, ses pensées s’organisent.
À chaque étape, du nourrisson au préado, le corps en mouvement construit l’enfant dans toutes ses dimensions : corporelle, intellectuelle, émotionnelle et sociale. Bouger l’aide à se concentrer, à se calmer, à apprendre, à créer, à comprendre les autres et à se comprendre lui-même.
En tant que parents, éducateurs ou professionnels, notre mission est donc claire : préserver, encourager et valoriser cette énergie motrice. Cela signifie ne pas brider inutilement les élans physiques, mais leur offrir des cadres bienveillants et adaptés. Cela signifie aussi repenser certains de nos réflexes, comme celui d’exiger l’immobilité en toutes circonstances. Parce qu’un enfant qui bouge est un enfant qui grandit !